Tandis que les affrontements entre le doge Antanio Veniero et Antonio Ier d'Aquileia se poursuivaient, la puissante armée autrichienne se dirigeait vers les riches mines du Krain, vitales pour le bon fonctionnement de la principauté ennemie. La garnison locale était en flagrante infériorité, mais se réfugiait derrière de puissantes fortifications. Construire des engins de siège sur place prenait un temps fou, il était donc vital que les Vénitiens parviennent à maintenir les Aquiléens en échec.
Les premières batailles eurent beau être décidées en faveur de la Sérinissime, une nouvelle menace pointait à l'horizon: Barnabas Ier s'était assuré du droit de passage en territoire bavarois et était venu assiéger les villes du Tyrol. La situation empira lorsque les Vénitiens battirent en retraite, que la résistance autrichienne commença à vaciller et que les défenseurs du Krain refusèrent de négocier toute capitulation honorable.

Le 29 avril 1405, la triste nouvelle de l'occupation totale du comté de Tyrol par la Hesse parvint aux oreilles d'Albrecht. D'après les espions, l'armée de l'Empereur se dirigeait maintenant vers le Trentin. Ce fut un grand soulagement d'entendre que du moins les Vénitiens avaient pu se reprendre grâce à une vaillante troupe de mercenaires. La situation resta néanmoins très tendue jusqu'a ce que la bannière autrichienne put flotter sur toutes les forteresses du Krain. Albrecht comptait alors envahir l'Istrie, mais dut rapidement se raviser et marcher vers le Tyrol lorsqu'on lui fit part de la perte du Trentin. Les troupes du landgraviat s'étaient même enhardies au point d'assiéger Lienz!
C'était trop provoquer Albrecht, qui pouvait se permettre de ne laisser qu'une maigre garnison au Krain après la défaite totale des Aquiléens face aux mercenaires vénitiens. Arrivé devant Lienz, l'archiduc constata que ce n'était qu'une misérable bande de soudards qui se trouvait devant lui. Le baron de Samartán demanda l'honneur de balayer ces petites gens de la place, ce qu'Albrecht lui accorda, sachant que son sang hongrois le prédestinait à accomplir pareille tâche avec adresse et bravoure. La nouvelle de la victoire autrichienne provoqua un remous dans tout le Saint-Empire. Les troupes de l'Empereur avaient été battues!

L'Empereur n'était toutefois pas présent sur place, il avait délégué le commandement à son fils Ruprecht, qui assiégait Trévise avec le gros de l'armée hessoise, profitant de l'absence des Vénitiens, occupés dans le Frioul. Albrecht n'avait cure de ce siège et préféra libérer le Trentin, tout en bousculant le corps de la ville de Kassel qu'il avait rencontré une première fois devant Lienz.
Une grande bataille eut lieu dans la vallée de l'Isel lorsque les hommes d'Antonio Ier y fit front avec le corps de Kassel. Les très nombreux chevaliers qui servaient l'archiduc eurent tôt fait de briser le moral des infâmes. Leurs prouesses furent telles qu'après avoir vu plusieurs centaines de têtes tomber et le ban de paysans armés fuir, les nobles restants s'en remirent à la grâce de Dieu et s'avouèrent vaincus. L'armée ennemie avait été complètement annihilée, à la grande joie de l'archiduc, qui fit tenir banquet et se montra fort généreux.
Les téméraires poliorcètes de Gießen encoururent un sort similaire alors qu'ils voulurent faire violence à la cité de Linz. Ces victoires gonflèrent la renommée de l'Autriche, pourtant Albrecht restait soucieux. Il devenait de plus en plus difficile d'obtenir de ses vassaux les hommes nécessaires à recompléter ses rangs. Il se devait de finir la guerre rapidement, et pour ceci il fallait vaincre l'armée principale de Hesse.
Pour financer la guerre, il avait prévu de s'aider du commerce. Bien qu'il s'agissait là d'un métier digne de mépris, les basses populaces bourgeoises s'y adonnaient avec joie, et force était de constater que les taxes qu'ils payaient étaient d'une grande aide. Albrecht IV décida donc d'accorder une protection privilégiée aux bourgeois, qui se trouvaient sous sa tutelle à l'étranger et ainsi à l'abri de querelles judiciaires trop honteuses. Ce signe de confiance encouragea beaucoup de sujets à se lancer dans l'aventure du commerce, au plus grand profit du trésor!
La guerre continuait avec son lot d'incertitudes, et si Aquileia montrait désormais de sérieux signes de faiblesse après la défaite écrasante qu'avait infligé Albrecht à deux de ses contingents, la Hesse se montrait toujours d'humeur au combat. Pire! Barnabas Ier avait rejoint ses troupes à Trévise et défiait Venise à ses portes!
Cette dangereuse situation ne put pourtant motiver Albrecht à voler au secours de ses alliés, car il avait affaire aux Hessois plus au Nord. Ruprecht y avait rassemblé une nouvelle armée, qu'il fallut poursuivre jusqu'en territoire bohémien pour en obtenir la reddition. La série de victoires autrichiennes se poursuivait, sans bataille décisive toutefois.

Le temps était venu de défier Barnabas à Trévise, cité assiégiée en vain depuis des années. Les écus scintillants se firent face à San Biagio di Callalta, près de l'abbaye. Tous étaient là, tous les fidèles que les deux monarques avaient pu gagner à leur cause. Le baron de Samartán et sa cavalerie lourde hongroise, le bourgmestre de Palpise et ses redoutables archers, le vicomte Ahecio de la forteresse de Civezzano et ses rudes soldats, ainsi que le chevalier Greiff de Wolfsberg, et tant d'autres! Ensemble ils purent tailler une brèche de vive main parmis les épéistes de Darmstadt, qui faisaient pourtant fière allure. Des porteurs de hache furent sitôt écrasés sous les sabots des chevaux de l'archiduc, et il fallut au final bien peu de combats pour que les nerfs de l'Empereur plient sous l'immensité de sa tâche. De son cor doré il sonna la retraite, qui signifiait la victoire pour les Habsbourgs!

Désormais l'ennemi était bien trop démoralisé pour opposer grande résistance, la guerre semblait gagnée! Le Tyrol se rallia vite à l'archiduc et Barnabas souffrit la défaite lors de nombreuses escarmouches. Des renforts de Styrie atteignaient la côte dalmate, scellant le sort d'Aquileia. Au beau milieu de ce tumulte vient la demande de nos alliés génois de mener une croisade contre les mahométans de la Horde d'Or.
Albrecht y réfléchit deux soirées entières puis consentit à mener cette guerre. Elle lui apporterait grand prestige et ne lui coûterait qu'un soutien moral en cas de victoire. Une déroute pourrait cependant ternir son prestige. Prendre cette responsabilité n'en était pas moins une question de devoir pour un homme de pouvoir comme lui.
Mal lui en prit! La République de Venise y vit une raison de plus de hâter la paix, et ne se préoccupa plus de gains. Elle s'accorda au
status quo ante bellum avec Aquileia et l'Empereur, ignorant toutes les victoires acquises. L'honneur de l'archiduc en sortit grandi et l'affront à la Vénétie était lavé, mais Albrecht n'en garda pas moins un goût de cette guerre, qui lui avait apporté tant de succès et si peu de résultats!