Chapitre II : le patronat de Marcus Aurelius Tubero
La ville grecque de Syracuse a pris les devants et conquis Lilybée, arrondissant généreusement son territoire qui comprend désormais toute la Sicile. Les Carthaginois, pris de panique, cessent leurs opérations navales au large de l’Italie pour prêter main forte à leurs compagnons en danger. L’absence de flotte carthaginoise permet d’éliminer les derniers contingents étrusques.
Syracuse nous propose une alliance militaire, sans doute de peur du retour de bâton carthaginois. Qu’importe, le commerce est florissant et nous avons un ennemi commun. L’alliance est scellée sur les flancs de l’Etna avec un sacrifice de bœufs.
Le nouveau patron a une main heureuse, l’un de ses gladiateurs part justement faire sa tournée d’adieu, et comme c’est un champion hors pair, le prestige de son patron n’en sera que plus grand. De nombreux sénateurs se rallient à Marcus Aurelius Tubero suite à cette démonstration de puissance.
La famille des Iunii règne sans conteste sur la vie politique romaine, une situation idéale pour accélérer bon nombre d’affaires jusque là embourbées dans les interminables conflits qui secouent le sénat à chaque session …
Une fois les Étrusques hors d’état de nuire, la légion stationnée en Corse force le chemin vers la Sardaigne, restée sans défense notable.
Pour éviter une impasse, les chantiers navals de Brundisium tournent à plein régime pour reformer une flotte. En effet, les Carthaginois ont repris du poil de la bête et Syracuse bat sérieusement de l’aile. Il est temps d’intervenir.
À peine cette tâche commencée, des messagers grecs nous apportent la nouvelle d’une défaite sans précédent de Syracuse. La Sicile vient de tomber entre les mains des hordes puniques, quelques hoplites dispersés sont tout ce qui reste de l’armée jadis fière de Syracuse. Le sénat est fort heureusement coopératif, l’expansion rapide de l’influence romaine aide à convaincre les sceptiques. L’argent coule à flots, notre port de guerre a peine à suivre tant les commandes sont importantes.
Marcus Aurelius Tubero en personne équipe la Legio II, qui ne payait pas de mine. On raconte que les armures seules auraient coûté plusieurs centaines de milliers de sesterces. Un investissement de poids, Tubero compte voir du retour ! Syracuse est une prise de choix.
Le sac de Syracuse montre toute l’impuissance de Carthage, dont les armées sont occupées à réprimer une révolte en Afrique. L’ennemi éternel demande la paix, qui lui est refusée aussi sec. Les hoplites survivants de Syracuse se taillent un petit royaume en Afrique, au détriment des alliés libyens de Carthage.
L’empire commercial de Carthage menace d’exploser, son autorité croule de toutes parts. Tubero lance une offensive osée sur Lilybée, et risque de perdre Syracuse laissée sans protection. Lilybée tombe sans trop de casse, mais deux armées carthaginoises mettent la campagne sicilienne à feu et à sang. Une délégation romaine atteint une improbable paix garantissant la Sicile à Rome. Carthage a d’autres chats à fouetter, les tribus africaines et les Grecs en Libye ne leurs laissent pas d’air. C’est avec joie que nous sacrifions notre amitié avec les exilés de Syracuse pour consolider notre position sicilienne.

Ainsi, il n’est pas bien surprenant de constater que durant les mois suivants, Carthage mettra à genoux les exilés de Syracuse et égorgera les chefs de tribus africains rebelles. La Sicile s’est révélée un cadeau empoisonné, la population ne veut pas se soumettre à l’autorité romaine. Les esclaves grognent aussi, la situation est explosive. L’armée ne peut pas être partout, les fonctionnaires romains osent à peine sortir de leurs villas …
Carthage en profite pour remettre la sauce et nous déclarer la guerre. Autre nouvelle qui donnera à penser : une tribu celte vient de prendre le dessus en Gaule Cisalpine et en Rhétique. Il n’est pas dans l’intérêt du sénat de voir un puissant royaume se former sous ses fenêtres. Il n’y a pourtant pas grand-chose à faire à part espérer que les Celtes se raviseront bientôt et retourneront à leur sport favori, les querelles internes.

Tubero organise à toute vitesse une invasion de l’Afrique pour prendre Carthage à la gorge. Les Cornelii arriveront pourtant à saboter son épopée : peu avant l’embarquement des forces romaines, ils payeront un gredin de la pire espèce pour asséner un bon coup de hache à la jambe du patron Iunii. Très obligeant de leur part, merci. Tubero n’en meurt pas, le brigand est vite exécuté, mais c’est un tribun Cornelii qui prendra la tête de la légion partant en Afrique, et il parait que la famille de l'assassin a pu miraculeusement payer ses nombreuses dettes le lendemain.
Carthage est à un saut de chat de la Sicile. La Libye se tient hors du conflit, il semble qu’elle soit encore occupée à digérer les suites de l’attaque grecque. Sous ses auspices, rien n’exclut une attaque directe sur la capitale ennemie. Le siège de Carthage s’annonce long, la cité est trop fortifiée pour être prise d’assaut.
Cornelii ou pas, ce général à la tête des forces romaines a de la suite dans ses idées. Insinuant une retraite, il provoque une sortie des forces carthaginoises avides de prisonniers. Ces derniers seront enveloppés par des soldats postés en guet-apens. Sans l’appui de leurs murs, les Puniques ne sont guère en état de tenir tête aux légions de Rome. La situation s’inverse et la garnison carthaginoise ne revient que chancelante de cette entrevue peu courtoise. Les Romains ont soupé aussi, mais à forces égales, mieux vaut servir sous le signe du sénat et du peuple, surtout que la flotte n’a pas eu le temps d’intervenir et demeure intacte.

Le coup de grâce se fait immédiatement après, les nombreuses catapultes montées sur trirèmes ébrèchent les murs, et les marins se transforment en fantassins passables. Le nombre fait son effet, la soif de pillage attise le courage, les Carthaginois ne sont plus en état de défendre leur ville. Le général punique mourra au combat pour éviter la crucifixion qui l’attendrait chez les siens en cas de défaite.
Peu de défenseurs en réchappent, et les Carthaginois auront du mal à organiser une attaque du loin de leurs terres hispaniques, les seules qui leurs sont restées. Alors que le vin coule à flots à Rome, les Macédoniens se sentent d’humeur à troubler la fête. Nos légionnaires sont occupés à pacifier l’Afrique et la Sicile, l’héritier du grand Alexandre compte en profiter. Dans l’immédiat, seule la flotte peut se ruer à la défense de la péninsule italienne. Les portes du temple de Janus sont réouvertes aussitôt après avoir été fermées ...