Joseph Ier avait toujours été très respectueux des accomplissements de son père. S'il faisait souvent des propositions qui paraissaient biscornues aux hommes de guerre qui composaient la cour d'Albrecht IV, il n'en partageait pas moins le même caractère de justice, de bravoure et d'ouverture d'esprit. Pour être pleinement honnête, il faudrait même dire qu'il possédait ces qualités en plus grandes quantités que son père. Son éducation au monastère bénédictin d'Arnoldstein avait décuplé ses talents naturels.
Sa première décision fut de reconquérir les marchés de Lübeck. Albrecht IV avait été déçu par les revenus que lui procuraient ses hommes de commerce en Castille, et il n'avait pas tort. Pourtant, il refusait de retenter l'envoi houleux de bourgeois à Lübeck, Dieu seul sait pourquoi. Qu'importe, Joseph y travailla intensément, écouta les avis de tous ses conseillers et obtint un succès lucratif.
Sitôt les premières taxes commerciales de terre allemande arrivées, Joseph eut vent de la formidable guerre qui se préparait dans la péninsule italienne. Gênes et les États Papaux voulaient dépecer la principauté rénégate d'Aquileia, qui serait soutenue par la République de Venise, l'Empereur et Milan. Malgré la possibilité de perdre la précieuse alliance vénitienne, l'archiduc fit débuter rapidement les préparatifs pour une guerre. Il comptait mener personnellement les troupes autrichiennes, et personne ne se doutait encore de son talent.

La déclaration de guerre fit l'objet de quelques surprises. Que la Bohême refusersait de suivre l'archiduché, Joseph s'en était douté. Mais que son allié vénitien retourne ses armes contre lui! Il l'avait craint, sans l'estimer probable. Seule Gênes honora son alliance, la Transylvanie refusa d'intervenir aux côtés d'Aquileia par sympathie pour l'Autriche, et l'Achaée fit de même par peur de représailles. La guerre ainsi lancée requérait des décisions rapides. Joseph Ier voulait infliger une sanglante défaite au patriarche d'Aquileia, et ce rapidement. Une fois de plus les mines du Krain auraient à être occupées, mais cette fois-ci le Frioul devait tomber aussi. Avant l'arrivée de l'Empereur.
Les mercenaires au service d'Aquileia n'étaient qu'un ramassis de bons à rien avides de pillages. Joseph les défit et assiégea les villes du Frioul, les milices de Styrie envahissaient en même temps le Krain. Même ces dernières parvinrent à repousser les 8 000 gueux de l'armée du patriarche! Toutefois, les sièges s'éternisaient, alors même que Barnabas Ier et le doge avaient entreprit d'envahir les terres autrichiennes.
Devant ces dangers, Joseph n'hésita pas à prendre d'assaut plusieurs forteresses, portant lui même force coups d'épée aux lâches Aquiléens. Le Frioul était sien! Implacable et déterminé, il se rua vers les étrangers incendiant son duché. Ce fut lors de ces batailles que l'on reconnut son véritable génie pour l'art de la guerre.
Rien ne lui résistait! Il retourna au Frioul, reprendre les villes que certains traitres aquiléens avaient vendues à leur anciens maîtres. Il y détruisit en outre toute la bande de mercenaires au service du patriarche. Celui-ci faisant désormais face au néant, il accepta la paix que lui proposa Josef. L'accord fut signé sur terrain neutre, à Sopron, et prévoyait la perte du comté du Krain, qui reviendrait à Tancrède de Thraox, noble byzantin démis par son empereur et supervisant jusque là les mines d'or autrichiennes.
Les États du Pape s'étaient cependant également retirés du conflit, et il restait trois adversaires coriaces sur le terrain. L'agression autrichienne eut aussi pour conséquence d'éroder le soutien des électeurs pour Joseph. Seul l'évêché de Mayence resta fidèle à l'archiduc. De nouvelles victoires purent être revendiquées par Joseph, sans pourtant parvenir à briser le moral de ses ennemis. À peine avait-il détruit un contingent ennemi que de nouveaux apparaissaient dans son dos, réclamant son attention au détriment de sièges qui auraient pu faire pencher la balance de maniére plus décisive en faveur de l'Autriche. Trévise fut prise et reprise plusieurs fois, sans plus de résultat que d'enhardir encore plus les Vénitiens.

Après près de deux ans de va-et-vient extrêmement coûteux en hommes et en or, Joseph se résolut à accepter l'inévitable. Il ne pourrait plus gagner cette guerre de lui-même, plus par la seule force des armes. La paix fut signée avec Venise, une paix douloureuse car elle coûtait près de 175 000 Gulden à l'Autriche. La cité des lagunes était imprenable par voie terrestre et l'occupation de Trévise n'avait pu faire ciller le doge.
La guerre restait la même car si un adversaire avait quitté l'infâme coalition de l'Empereur, l'armée duchale avait beaucoup souffert et ne présentait plus la même force de frappe que jadis. Elle pouvait tout juste encore repousser les différentes incursions hessoises et milanaises dans le Tyrol. Barnabas Ier de Hesse, Saint-Empereur et landgrave fut battu à plusieurs reprises dans les étroits défilés montagneux des Alpes autrichiennes. Il proposa une paix blanche en 1428 suite à la bataille de Kitzsühel, où il perdit 5 000 des siens.
Suite à quelques impolitesses bavaroises lors de la diète de Regensburg, l'un des rares moments de paix forcée, Joseph eut l'occasion de démontrer son talent diplomatique. Il parvint à réconcilier les représentants échauffés, apaisant ainsi une situation fort délicate. Cette mesure et cette finesse contrastèrent beaucoup avec l'image de coupe-gorge que beaucoup de principautés impériales s'étaient faites de Joseph suite à la guerre italienne. On était désormais bien plus enclin à lui faire confiance.
Peu de gloire restait à tirer de la guerre contre Milan, de part et d'autre les opérations ralentissaient et la paysannerie grinçait contre les impôts. Le Krain s'était déjà soulevé et le comte de Tancrède en avait été chassé. Plusieurs mois de tractations intenses et d'escarmouches aboutirent finalement en janvier 1429, après la défaite des armées génoises devant Brescia: l'Autriche s'engageait à verser 25 000 ducats à Milan.
Joseph n'était pas mécontent de l'issue de cette guerre, même si elle lui avait coûté infiniment plus qu'il n'avait voulu croire lorsqu'il la commença. Sa ténacité et la valeur des armes autrichiennes lui avaient valu la reconaissance et le respect de nombreux états. Le Palatinat et les États Papaux s'étaient déjà offerts comme alliés, et le margravat de Brandebourg avait spontanément proposé un mariage entre les deux familles régnantes. Bien sur Joseph repoussa les demandes d'alliance, qui ne pouvaient lui garantir une aide militaire assez importante pour justifier le risque de s'engager dans des conflits qui lui seraient étrangers. Le Krain était désormais sien, il put en chasser les rebelles avec l'armée encore rassemblée et remit Tancrède de Thraox à la tête du très riche comté. Les difficultés diplomatiques purent être surmontées assez rapidement aussi, l'épisode de Regensburg et quelques cadeaux bien choisis rétablirent l'entente qui régnait avant-guerre. Joseph avait réussi à s'imposer dans le Saint-Empire.
