En infériorité numérique, les légions romaines s’installent à quelque distance des envahisseurs et passent leurs journées à construire des fortifications. Le nombre incroyable de barbares en armes est également leur principale faiblesse. Bientôt les campagnes sont ratiboisées et incapables de fournir suffisamment de nourriture en plein hiver. Le chef de tribu Ramnulf décide de passer à l’attaque.
Ne disposant d’aucune cavalerie, nos troupes sont plus ou moins aveugles. Qu’importe, notre bastion limite les possibilités tactiques, et ce à notre avantage. Les provisions sont nombreuses, donc impossible de nous assiéger avec succès. Qu’ils viennent !
Notre défense recèle quelques surprises pour nos ennemis …
La Legio II Antiqua a sécurisé toutes les entrées. Les Germains pourront se frayer un petit passage, juste assez pour pleinement exploiter notre potentiel de combat. Ils se tasseront dans un carré encerclé de toutes parts, vulnérables et, s’ils essayent de passer en force, chaotique car peu propice aux manœuvres ….
La Legio III Invicta elle a quitté ses positions et viendra en renfort. Si elle a le temps d’intervenir … les barbares foncent à toute vitesse sur notre petit castellum.
Leur élan est à peine freiné par nos pièges, qui pourtant engloutissent bon nombre de barbares.
Les premiers arrivés sont aussitôt décimés par une pluie de pila, mais les suivants ne se laissent pas attendre.
L’attaque brutale des Germaniques était à prévoir, elle n’en est pourtant pas moins impressionnante.
Les entrées Est et Ouest subissent toute la pression, l’entrée Nord reste libre de toute incursion. Toutes les lignes tiennent, la réserve n’a pas à intervenir.
Ramnulf nous a envoyé des adolescents armés de bâtons pour tâter nos défenses et épuiser un peu nos hommes. Les vagues suivantes sont plus difficiles à maitriser, c’est au tour des guerriers expérimentés de faire leurs preuves.
Les lignes de l’entrée Ouest menacent de craquer tant la pression est intense. Des cohortes de réserve viennent relever les Principes déjà à bout sous l’œil sévère du tribun militaire.
Malgré ses allures de calme stratège, ce dernier commence aussi à se demander s’il ne se retrouvera pas empalé sur un arbre voué à Freyja en fin de journée. Les vagues ennemies semblent plus gonfler qu’autre chose, une horde immense repousse les lignes romaines, pouce par pouce, et cette Legio III qui n’en finit pas d’arriver …
L’entrée Est au moins tient bon, bien qu’encore fortement occupée.
La Legio III finit par arriver dans les environs, complètement épuisée par cette marche rapide dans la neige. Ces hommes sont-ils encore bons à combattre ? Il le faut, car la situation tourne lentement mais surement au vinaigre.
La Legio III tourne lentement, très lentement, pour former une ligne parallèle aux troupes germaniques, qui ne s’en soucient pas le moins du monde …
Quelques premiers Principes attaquent la colonne germanique, on voit tout de suite que le cœur n’y est pas et qu’ils préfèreraient d’abord faire une petite pause, grignoter une biscotte et s’accorder une goulée de vin avant de combattre.
L’effet reste ainsi très limité. De plus, des renforts barbares sont signalés au loin.
La Legio III se déploie pour leur faire face. L’attente de la prochaine attaque permettra aux légionnaires de souffler un peu.
Cette légion dispose surtout d’hastatis, qui ont plus de mal à tenir face aux lanciers ennemis.
Leur armement plus léger permet des manœuvres plus complexes, malgré l’épuisement des troupes.
Les Souabes commencent à sentir l’inversement du rapport de force. La Legio III Invicta exécute la manœuvre
forcipem, autrement dit la tenaille, un classique de l’art militaire.
C’est maintenant la victoire ou la mort pour ces fiers barbares, les légionnaires en position derrière leurs lignes accueilleront dignement tout fantassin en retraite.
Et il en arrive encore, des renforts ennemis ! Mais d’où sortent-ils ? À croire que les forêts de Germanie regorgent de recrues. …
Plus question d’attendre, les légionnaires attaquent et resserrent la tenaille autour des ennemis de l’entrée Ouest.
Ces sauvages semblent apprécier, pas de signe de panique, des cris rauques pour accueillir les coups de gladius … Ils doivent être complètement bourrés ! Et cela n’arrange pas nos affaires.
Enfin, quelques torches lancées au milieu de la foule, déjà pressée de toutes parts, finissent par déclencher une incertitude se mouvant rapidement en « sauve-qui-peut » frénétique. Le noyau dur des envahisseurs craque.
La cavalerie ennemie essaye désespérément de dégager les encerclés, mais il est bien trop tard pour retourner la situation …
La Legio III encaisse le choc d’une nouvelle armée ( ! ), vacille un instant, et gagne ce duel grâce au moral abyssal des Germaniques, qui peuvent voir leurs confrères prisonniers en train d’être escortés vers le fort après leur défaite.
L’aigle de Rome sort vainqueur de cette bataille, qui entrera dans les annales comme « bataille de Vénétie », la plus grande depuis les Guerres Puniques !
Des colonnes entières d’esclaves se dirigeront vers la Sicile, les mines de soufre ont besoin de main d’œuvre. Les piteux restes des armées souabes sont acculées peu après cette glorieuse bataille, et réduites à néant.
Le chemin vers la Norique est grand ouvert ! Cet état de fait, en soi positif, oblige cependant à considérer la position stratégique actuelle des provinces romaines.
En effet, la conquête de la Norique, tout en sécurisant la Gaule Cisalpine, nous octroie le voisinage douteux de nombreuses tribus barbares, les unes plus belliqueuses que les autres. Pour compliquer le tout, les Souabes refusent toute paix formelle.
S’aventurer dans les forêts du Nord ne parait pas bien sage, et pourtant : des garnisons sont nécessaires en Gaule Cisalpine (menace ligurienne), en Norique (menace souabe), en Macédoine (menaces de l’intégralité des états grecs, y compris les colonies en Asie Mineure), et en Afrique (menace de Carthage et de ses vassaux, qui finira bien par se matérialiser). Les troupes romaines ne sont pas disponibles en assez grand nombre pour tout couvrir, ce grand écart permanent ne peut fonctionner à terme. Une défense statique n’est donc pas envisageable.
La seule issue entrevue par Faustus Lusius Lupus, qui tâchera d’en convaincre le sénat, serait de créer un pont entre la Norique et la Macédoine via la Dalmatie et la Pannonie. Un plan qui n’est pas sans problèmes, puisque ces régions sont tout sauf riches et pourraient lier pour longtemps beaucoup d’or avant de dégager un maigre excédent fiscal.
La Grèce aurait été plus lucrative, mais les dangers d’une invasion celte, germanique ou slave en Norique sont beaucoup trop grands pour envisager l’envoi des deux légions nécessaires en Macédoine. Ce malgré le renforcement de la Legio IV Herculia, qui est désormais complétée.
Suite à de nombreuses discussions publiques et privées, ainsi qu’une bonne dose de corruption, la Legio III est envoyée en Pannonie. Une rébellion d’esclaves y fait rage, une bonne excuse pour une « bellum iustum ».