1546 – 1551. La guerre d’Eleonore ou la blietzkrieg ottomane dans les Balkans
A Istanbul, les complots foisonnent et les alliances se forment pour se dissoudre dès le coucher du soleil : les vautours attendent la fin annoncée du Grand Vizir Danton, éminence grise des Sultans depuis plus de 50 ans et poussé dans ses derniers retranchements par les sbires du sinistre Ben Marrabey. Toute l’affaire n’est pas encore éclaircie, mais le sinistre ayatollah se préparait, dit-on, à apporter les preuves du faux accident mortel orchestré par le vizir sur la douce Eleonore, concubine favorite du Sultan Soliman, qui pleure toujours sa disparition... alors que la belle serait bien vivante, à l’abris en orient et menant la grande vie dans un des palais du fourbe vizir, dont les motifs restent mystérieux (Des sentiments, lui ? Ou est-ce plutôt parce qu’Eleonore est une riche héritière liée à la famille du Sultan ?

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Sentant le désastre approcher à grand pas, le Grand Vizir accueille avec soulagement la déclaration de guerre française aux habsbourgs d’Autriche : des contacts secrets ont été noués depuis longtemps avec Paris via l’intermédisaire de la délicieuse Azénore et le Sultan Soliman s’est engagé à voler au secour de la France si celle-ci était attaquée par Vienne. Certains ont parlé aussi de projets offensifs, mais ceux là se trompent : l’empire ottoman ne désire pas la guerre.
Mais les demandes incessantes de Paris font hésiter le bon Sultan, qui prend finalement la décision d’intervenir quand le plus grand défenseur de la paix avec l’Autriche, l’homme clef du traité de Syracuse, se prononce lui aussi pour la guerre : l’occasion rêvée de détourner l’attention de Soliman de cette périlleuse affaire presque entièrement révélée par Ben Marrabey. Car qui en effet pourrait planifier l’offensive mieux que celui qui a déjà organisé l’assaut victorieux contre la Hongrie en 1518 ? Le Grand Vizir Danton est indispensable pour mener à bien l’assaut, il conservera donc sa précieuse tête et pourra planifier l’offensive : la guerre d’Eleonore pouvait commencer, la nécessité de respecter l’alliance secrète avec Paris et la revendication séculaire du Vizir sur la province autrichienne du Krain servant de paravent aux compliqués complots politico-amoureux d’Istanbul

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La guerre est officiellement déclarée le 4 mai 1547 et trois armées ottomanes déferlent aussitôt vers les frontières : le Banat et le Pest sont pris d’assaut, le Krain assiégé. Les troupes poursuivent alors leur marche non vers l’ouest, mais vers le nord : le Maros est assiégé, ainsi que Buda, l’antique capitale hongroise et véritable place-forte autrichienne, par Soliman en personne !
Pris par surprise, l’Empereur réagit néanmoins très vite et envoi son meilleur général, Ferdinand, déloger les Ottomans du Krain, seule revendication du Sultan, que l’Autriche refuse obstinément de céder : avec des forces six fois supérieurs en nombre, la victoire semble assurée, mais c’était oublier la volonté du Tout Puissant :celui-ci a décrété que le Krain sera ottoman et il en sera donc ainsi. 40.000 autrichiens, terrassés par la honte et abandonnant 20.000 des leurs, finissent par retraiter, humiliés, devant les 4000 survivants musulmans : le triomphe de la foie !
Sitôt le moral de l’armée rétabli, les Autrichiens, qui ont reçu des renforts considérables, contre-attaquent au Pest dans le but de couper le ravitaillement du Sultan Soliman, qui assiège toujours Buda, mais un obstacle de taille s’oppose aux projets de l’Empereur : le Grand Visir Danton et les cavaliers d’Allah. 25.000 janissaires contre 60.000 impériaux s’affrontent dans les plaines hongroises : la charge est irrésistible et balaye tout sur son chemin. A la tête des régiments des coupeurs de tête, de redoutables cavaliers, le Grand Vizir, que Dieu le bénisse, enfonce l’aile droite ennemie puis se rabat au centre : la déroute est immédiate, les Autrichiens refluent, humiliés et avec de lourdes pertes

. Emportés par leur volonté de mener le djiad partout où cela sera nécessaire, les cavaliers d’Allah se lancent à la poursuite des impériaux, qui font jonction au Oldenburg avec une nouvelle armée impie : 20.000 cavaliers se heurtent cette fois à près de 80.000 autrichiens ! Mais plus rien ne peut stopper l’assaut désormais irrésistible des janissaires : Djiad ! Djiad ! Djiad ! Ferdinand est une nouvelle fois pulvérisé et laminé, et fuit piteusement vers Vienne, abandonnant 40.000 tués derrière lui.
La route de Vienne est ouverte, plus rien ne peut sauver la capitale impériale, surtout que Buda s’apprête à offrir sa reddition au Sultan : la campagne est un succès complet. Mais le grand vizir ne souhaite pas la ruine de l’Autriche, avec laquelle au contraire il ne désire qu’une chose : entretenir de bonnes relations. La paix est une chose si agréable. Aussi, quand l’Empereur offre le Krain contre la paix, la proposition est étudiée avec attention : les espions ottomans, les ambassadeurs français et même les diplomates autrichiens sont unanimes pour déclarer la guerre gagnée à l’ouest aussi. La paix peut donc être signée, le 24 octobre 1547 et le Krain passe enfin sous contrôle ottoman : nul doute que Paris victorieux fera très vite de même.
Grand stratège de cette guerre, le Vizir Danton devient (temporairement) intouchable : que représente Eleonore pour le Sultan comparé à ce triomphe ? Soliman a réussi là où son glorieux père avait échoué jadis de si peu et mérite bien d’être désormais appelé Soliman le Magnifique. L’on retiendra que Vienne a tremblé, mais que l’Empereur et le Sultan, tous deux sages et de bonne volonté, ont su préférer la paix à la guerre à outrance.
Seule ombre au tableau, les ennuis que va désormais rencontrer Paris, privé de la toute puissante protection ottomane : les armées de Vienne étant presque complètement anéanties, selon le propre aveux de l’Empereur, nul, à Istanbul, ne comprend pourquoi la France a du finalement se contenter de l’Artois. Une enquête est en cour, mais tout indique que c’est l’assaut ibérique contre la France qui a empêché celle-ci d’obtenir plus de l’Autriche : l’empire ottoman, en tout cas, a respecté ses engagements.
Les pertes militaires ont été dérisoires et la guerre, qui n’a durée que six mois, n’a pas trop déstabilisé l’économie ottomane, mais les conversions lancées par Ben Marrabey, le grand rival du vizir, ont par contre, elles, ruiné le trésor impérial. Une nouvelle tentative d’implantation en Afrique orientale se solde par un nouveau désastre : la colonisation, décidémment, ne réussit guère à Istanbul.
L'Europe en 1551
