Les HistoAARs du conducteur qui ne respectait pas sa droite
Posté : ven. avr. 06, 2012 7:21 pm
Des souvenirs ? Ah ça, j’en ai … Je connais à peu prés toutes les rues de cette ville, tous les croisements, tous les lieux mémorables … Oh bien sur, maintenant nul ne pourrait la reconnaître, imaginer quelle était l’opulence de tel quartier, ou la pauvreté d’un autre … Nous sommes tous unis dans la misère, désormais, et certains considèrent qu’on l’a bien mérité. Mais non, m’dame, je ne m’aventurerais pas sur ce terrain … de la politique, j’en ai déjà fais dans ma jeunesse, un peu, comme tout le monde, et je suis finalement heureux d’avoir survécu à ça. Après bien sur, il y a ce poids sur les épaules … Vous êtes américaine, vous ne pouvez pas comprendre ça, vous êtes si jeune … et vos institutions … vous n'êtes qu'une enfant !
Enfin vous n’êtes pas venue pour ça, je le sens bien. Revenons il y a presque 15 ans. Un peu comme maintenant, cette ville était peuplée de morts. Les gens rasaient les rues, et tentaient de ne pas se faire remarquer. Enfin pour la plupart. Certains avançaient en cortège hurlants, pour soutenir le KPD. Hmm ? Oui, c’étaient les communistes. On en a eu pendant encore un an ou deux, puis … Enfin.
En face, on avait ces gusses, avec leurs uniformes bruns. En théorie ils étaient interdits depuis des années, mais depuis quelques mois ils s’étaient remis à battre le pavé au grand jour, et narguaient les flics. Enfin, narguaient … déjà une bonne partie avait commencé à se rallier au parti, sentant le vent tourné. Il y avait ceux qui y croyaient, parce qu’on nous promettait des temps meilleurs … vous savez quel était le prix du billet à bord du bus que je conduisais ? Ben vous voyez, moi non plus. L’inflation était telle qu’il aurait fallu une valise de billets pour un coupon hebdomadaire, et ça si on était le lundi. Le vendredi, il aurait fallu venir avec la malle entière piquée aux grands-parents, et puis nous laisser les vieux en gage. Alors on contrôlait plus trop. On attendait que les temps changent, et que l’époque devienne vivable. Je me levais tous les matins, je me rendais jusqu’au centre ville…

Et puis je pointais à bord de mon Livingstone Ocelot. 14 places assises, chauffeur compris, et puis les gens qui se ruaient sur la plate-forme arrière.

Des gars de la Compagnie, je n’étais pas le seul, il y avait toujours le poinçonneur. Herbert Samara, parfois, mais on n’accrochait pas trop ensemble. Il avait des activités … extérieures, oui c’est ça, et ça modifiait un peu sa façon de bosser. Je l’avais vu une fois pousser un pauvre gars depuis la plateforme, le type s’était retrouvé le cul par terre sur la chaussée, complètement sonné. J’ai voulu m’arrêter, mais sa voie m’est parvenue depuis l’arrière : « C’est un rouge, Thrawn, t’arrêtes pas pour ça ! » Et je ne m‘étais pas arrêté, bien sur. L’époque qui veut ça …
Et puis le reste du temps, c’était Gustav Boudibouda. Au moins lui ne faisait pas le coup de poing contre les rouges, et le voyage était plus simple. Rouler, respecter les horaires, ne pas se poser de question, c’était un métier facile.
Surtout, j’avais un circuit sympa. Le centre ville uniquement, la compagnie m’a changé de zone bien plus tard. Je pense qu’un des grosses légumes de la BVG m’avait à la bonne, car j’ai gardé longtemps ce secteur privilégié.
Vous savez, il y a 15 ans, j’étais encore assez naif. Vous dites qu’on est l’année zéro, aujourd’hui? A Berlin, en 1932, c’était la vraie année zéro, et moi, Gerhardt Arthur Thrawn, simple conducteur de bus, j’étais en plein dedans.

Enfin vous n’êtes pas venue pour ça, je le sens bien. Revenons il y a presque 15 ans. Un peu comme maintenant, cette ville était peuplée de morts. Les gens rasaient les rues, et tentaient de ne pas se faire remarquer. Enfin pour la plupart. Certains avançaient en cortège hurlants, pour soutenir le KPD. Hmm ? Oui, c’étaient les communistes. On en a eu pendant encore un an ou deux, puis … Enfin.
En face, on avait ces gusses, avec leurs uniformes bruns. En théorie ils étaient interdits depuis des années, mais depuis quelques mois ils s’étaient remis à battre le pavé au grand jour, et narguaient les flics. Enfin, narguaient … déjà une bonne partie avait commencé à se rallier au parti, sentant le vent tourné. Il y avait ceux qui y croyaient, parce qu’on nous promettait des temps meilleurs … vous savez quel était le prix du billet à bord du bus que je conduisais ? Ben vous voyez, moi non plus. L’inflation était telle qu’il aurait fallu une valise de billets pour un coupon hebdomadaire, et ça si on était le lundi. Le vendredi, il aurait fallu venir avec la malle entière piquée aux grands-parents, et puis nous laisser les vieux en gage. Alors on contrôlait plus trop. On attendait que les temps changent, et que l’époque devienne vivable. Je me levais tous les matins, je me rendais jusqu’au centre ville…

Et puis je pointais à bord de mon Livingstone Ocelot. 14 places assises, chauffeur compris, et puis les gens qui se ruaient sur la plate-forme arrière.

Des gars de la Compagnie, je n’étais pas le seul, il y avait toujours le poinçonneur. Herbert Samara, parfois, mais on n’accrochait pas trop ensemble. Il avait des activités … extérieures, oui c’est ça, et ça modifiait un peu sa façon de bosser. Je l’avais vu une fois pousser un pauvre gars depuis la plateforme, le type s’était retrouvé le cul par terre sur la chaussée, complètement sonné. J’ai voulu m’arrêter, mais sa voie m’est parvenue depuis l’arrière : « C’est un rouge, Thrawn, t’arrêtes pas pour ça ! » Et je ne m‘étais pas arrêté, bien sur. L’époque qui veut ça …
Et puis le reste du temps, c’était Gustav Boudibouda. Au moins lui ne faisait pas le coup de poing contre les rouges, et le voyage était plus simple. Rouler, respecter les horaires, ne pas se poser de question, c’était un métier facile.
Surtout, j’avais un circuit sympa. Le centre ville uniquement, la compagnie m’a changé de zone bien plus tard. Je pense qu’un des grosses légumes de la BVG m’avait à la bonne, car j’ai gardé longtemps ce secteur privilégié.
Vous savez, il y a 15 ans, j’étais encore assez naif. Vous dites qu’on est l’année zéro, aujourd’hui? A Berlin, en 1932, c’était la vraie année zéro, et moi, Gerhardt Arthur Thrawn, simple conducteur de bus, j’étais en plein dedans.
