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Les HistoAARs du conducteur qui ne respectait pas sa droite

Posté : ven. avr. 06, 2012 7:21 pm
par mad
Des souvenirs ? Ah ça, j’en ai … Je connais à peu prés toutes les rues de cette ville, tous les croisements, tous les lieux mémorables … Oh bien sur, maintenant nul ne pourrait la reconnaître, imaginer quelle était l’opulence de tel quartier, ou la pauvreté d’un autre … Nous sommes tous unis dans la misère, désormais, et certains considèrent qu’on l’a bien mérité. Mais non, m’dame, je ne m’aventurerais pas sur ce terrain … de la politique, j’en ai déjà fais dans ma jeunesse, un peu, comme tout le monde, et je suis finalement heureux d’avoir survécu à ça. Après bien sur, il y a ce poids sur les épaules … Vous êtes américaine, vous ne pouvez pas comprendre ça, vous êtes si jeune … et vos institutions … vous n'êtes qu'une enfant !

Enfin vous n’êtes pas venue pour ça, je le sens bien. Revenons il y a presque 15 ans. Un peu comme maintenant, cette ville était peuplée de morts. Les gens rasaient les rues, et tentaient de ne pas se faire remarquer. Enfin pour la plupart. Certains avançaient en cortège hurlants, pour soutenir le KPD. Hmm ? Oui, c’étaient les communistes. On en a eu pendant encore un an ou deux, puis … Enfin.

En face, on avait ces gusses, avec leurs uniformes bruns. En théorie ils étaient interdits depuis des années, mais depuis quelques mois ils s’étaient remis à battre le pavé au grand jour, et narguaient les flics. Enfin, narguaient … déjà une bonne partie avait commencé à se rallier au parti, sentant le vent tourné. Il y avait ceux qui y croyaient, parce qu’on nous promettait des temps meilleurs … vous savez quel était le prix du billet à bord du bus que je conduisais ? Ben vous voyez, moi non plus. L’inflation était telle qu’il aurait fallu une valise de billets pour un coupon hebdomadaire, et ça si on était le lundi. Le vendredi, il aurait fallu venir avec la malle entière piquée aux grands-parents, et puis nous laisser les vieux en gage. Alors on contrôlait plus trop. On attendait que les temps changent, et que l’époque devienne vivable. Je me levais tous les matins, je me rendais jusqu’au centre ville…


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Et puis je pointais à bord de mon Livingstone Ocelot. 14 places assises, chauffeur compris, et puis les gens qui se ruaient sur la plate-forme arrière.


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Des gars de la Compagnie, je n’étais pas le seul, il y avait toujours le poinçonneur. Herbert Samara, parfois, mais on n’accrochait pas trop ensemble. Il avait des activités … extérieures, oui c’est ça, et ça modifiait un peu sa façon de bosser. Je l’avais vu une fois pousser un pauvre gars depuis la plateforme, le type s’était retrouvé le cul par terre sur la chaussée, complètement sonné. J’ai voulu m’arrêter, mais sa voie m’est parvenue depuis l’arrière : « C’est un rouge, Thrawn, t’arrêtes pas pour ça ! » Et je ne m‘étais pas arrêté, bien sur. L’époque qui veut ça …

Et puis le reste du temps, c’était Gustav Boudibouda. Au moins lui ne faisait pas le coup de poing contre les rouges, et le voyage était plus simple. Rouler, respecter les horaires, ne pas se poser de question, c’était un métier facile.
Surtout, j’avais un circuit sympa. Le centre ville uniquement, la compagnie m’a changé de zone bien plus tard. Je pense qu’un des grosses légumes de la BVG m’avait à la bonne, car j’ai gardé longtemps ce secteur privilégié.
Vous savez, il y a 15 ans, j’étais encore assez naif. Vous dites qu’on est l’année zéro, aujourd’hui? A Berlin, en 1932, c’était la vraie année zéro, et moi, Gerhardt Arthur Thrawn, simple conducteur de bus, j’étais en plein dedans.

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Re: Les HistoAARs du conducteur qui ne respectait pas sa dro

Posté : ven. avr. 06, 2012 7:24 pm
par griffon
Ah , je le sens bien celui la !

croyez moi j'ai du blair pour détecter le futur "hit" ! :D

Re: Les HistoAARs du conducteur qui ne respectait pas sa dro

Posté : ven. avr. 06, 2012 7:27 pm
par GA_Thrawn
Ha oui! :clap:

Re: Les HistoAARs du conducteur qui ne respectait pas sa dro

Posté : ven. avr. 06, 2012 7:33 pm
par mad
Hmm, 'tention quand même, tout comme le chauffeur du bus, je ne sais pas encore trop où je vais :lolmdr:
Quant au jeu, j'ai oublié de le préciser mais c'est assez visible finalement, c'est Cities in Motion

Re: Les HistoAARs du conducteur qui ne respectait pas sa dro

Posté : ven. avr. 06, 2012 7:56 pm
par Nicodédé62
mad a écrit :Quant au jeu, j'ai oublié de le préciser mais c'est assez visible finalement, c'est Cities in Motion
Avec ou sans dlc ???? :siffle:

Re: Les HistoAARs du conducteur qui ne respectait pas sa dro

Posté : ven. avr. 06, 2012 8:04 pm
par mad
Nicodédé62 a écrit :
mad a écrit :Quant au jeu, j'ai oublié de le préciser mais c'est assez visible finalement, c'est Cities in Motion
Avec ou sans dlc ???? :siffle:
Ba à part le patch SA/SS que j'utilise ... :o:
Non en fait j'en sais rien, j'ai reçu une clé d'activation gratuite hier. Je sais pas si le jeu est complet (ou pas) par rapport à ce qu'il est sensé être. :pigepas:

Re: Les HistoAARs du conducteur qui ne respectait pas sa dro

Posté : ven. avr. 06, 2012 8:08 pm
par Nicodédé62
Oui, je l'ai reçu aussi. Je pense que ça doit être le jeu de base. On sait jamais, des fois qu'on aurait envie d'acheter les dlc.... :o:
Bonne continuation :ok: .

Re: Les HistoAARs du conducteur qui ne respectait pas sa dro

Posté : ven. avr. 06, 2012 9:39 pm
par mad
J’ai bossé toute ma vie à la Berliner Verkerhs AG, qui en 1929 a patiemment regroupé tous les services épars de transports en commun à travers la ville : bus, métro et trams.


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Mon trajet typique, chaque jour ? Départ de Alexanderplatz, traversée du fleuve vers le sud, passage par les beaux quartiers, puis je longeais l’extrémité est du Tiergarten avant de revenir par le Reichstag et la porte de Brandebourg, traversée du fleuve vers le nord et retour à la case départ. A l’époque, il y avait encore une gare à proximité de l’Alex, avant que Speer n’en fasse table rase pour y caser tous les pontes du régime. Mais en 1932, la place n’était pas encore devenue le pré-carré de la Kripo, des SS et de la Gestapo. On y voyait encore des gens comme vous et moi. Et tous les matins, cette cohorte de travailleurs qui déboulait de la gare pour embaucher dans les commerces du coin, ou les usines plus au nord, rouspétant face au peu de places qu'on pouvait proposer dans nos bus.


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Enfin, travailleurs … la plupart n’avaient aucun boulot et allaient démarcher en espérant quelques heures de travail mal payées. Le taux de chômage atteignait les 25%, à ce moment, et nul ne pensait pouvoir être épargné. Même au sein de la BVG, on a senti le vent tourner … la compagnie a d’abord dû baisser le prix des tickets, pour que les gens acceptent encore de monter dans nos bus sans trop resquiller. Et comme ça n’a bien sur pas suffit, la direction a diminué le salaire de tous les employés en espérant faire quelques économies de bout de chandelle. Mais c’était trop pour nous … Au mois d’aout, Gustav Rodo, un des conducteurs du métro souterrain, s’est jeté en travers des rails. Brave gars … comme il ne voulait pas que notre travail, déjà pénible, ne soit perturbé, c’est sous les roues d’un train de la compagnie nationale qu’il s’est jeté. Sa veuve, ses enfants … je m’en rappelle encore.


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On a fait un pot commun, le peu qu’on pouvait encore gratter sur notre paye de la semaine, pour l’aider les premiers temps.

La compagnie, elle, n’a rien fait. Le lendemain de l’enterrement, ils lui ont envoyé un huissier afin de récupérer le petit logement de fonction que la BVG avait attribué à ses conducteurs les plus excentrés. Comme elle était d’origine tchèque, toute la petite famille a quitté Berlin en même pas une semaine. Ils sont retourné dans les Sudétes et je n’ai plus jamais entendu parler d’eux. Et puis on a vu de plus en plus de collègues disparaître. Beaucoup de suicides, la période était si noire… et puis des morts beaucoup plus suspectes. Au sein de la BVG, certains avaient voulu lancer une gréve générale, j’avais assisté à l’une des harangues un matin, dans la cour où on stationnait nos bus. Gunther Simileon, un des machinos, lançait des appels à ceux qu’il appelait ses camarades. Quand il est descendu de la caisse sur laquelle il était perché, j’ai vu Boudibouda lui faire une grande accolade en riant.

Certains tiraient la gueule, en revanche. Samara a couru vers l’un des bureaux du premier étage, en hurlant dans l’escalier. Le temps de passer un coup de fil et, dix minutes plus tard, un petit peloton de SA a débarqué dans la cour, en matraquant ceux qui s’y attardaient. Double ration pour ceux qui tenaient un écriteau ou une banderole. Similéon, lui, a eu droit à la barre de fer.
J’ai pris mon service en échappant à cette bataille de rue mais, en quittant le dépôt, j’ai eu le temps de voir dans le rétroviseur le corps de Simileon gisant ensanglanté, tandis que SA et communistes continuaient à se battre comme des chiens. Mais aurait-on pu trouver raison plus serieuse de se battre ? Le pays tout entier était en train de sombrer, les Berlinois se déchiraient entre eux selon leurs idéologies respectives. On m’a dit qu’en partant, les SA ont pris avec eux Simileon, qui respirait encore quand ils l’ont balancé à l’arrière d’une de leurs fourgonnettes. Lui aussi, on ne l’a jamais revu. Certainement un des nombreux corps qu’on repêchait chaque semaine dans la Spree, affreusement défiguré. Camarade ou chemise brune, dans la mort, ils se ressemblaient tous, finalement.

Le lendemain soir, j’arrive un peu plus tard que prévu au dépôt, à cause des bouchons sans cesse plus importants. Je vois mon poinçonneur attitré, Gustav Boudibouda, en train de remplir un bidon d’essence au sigle de la compagnie avec la pompe réservée pour les bus. Il range le bidon à l’écart, et je vois qu’il y en avait déjà plusieurs autres. Il rapproche une petite voiture qui était garée à l’écart, et empile les bidons sur la plage arriére. Il démarre et quitte la cour, la voiture cahotant et pétaradant. Je n’avais pas spécialement cherché à me cacher, il m’a vu au moment de passer le portique de l’arrière cour. Il m’a regardé fixement, sans sourire, sans un geste, sans surprise non plus.
La nuit passe. Un tour de cadran et j’ai pris mon bus, comme chaque matin. Alexanderplaz, Leipzigerstrasse, le parcours habituel. La matinée s’est écoulée, dans une moiteur insupportable. Sur les coups de midi, je passe par la Wilhelmstrasse. Une déflagration devant moi, sur la droite, tout un étage qui s’embrase dans un immeuble bourgeois.


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Je me gare en catastrophe, les passagers sortent du bus en poussant des cris. A l’étage la fenêtre explose, puis un homme s’abat à quelques métres de moi, le corps en partie calciné. D’autres plus chanceux, qui ont réussi à traverser la cage d’escalier en feu, sortent par l’entrée principale de l’immeuble. L’un d’entre eux se débat dans une gerbe de flammes qui consume ses vêtements. J’ai le temps de voir ses cheveux s’embraser à leur tour, puis l’homme s’abat au sol, secoué de spasmes, avant d’abandonner toute velléité face à la mort. Et par dessus, le bruit toujours plus fort de crépitement, l’odeur forte d’essence, et d’autres hommes qui quittent l’immeuble par les échelles de secours. Pour la pupart en uniforme bruns, tous arborant le bandeau à croix gammée.

Nouvelle explosion, dans la rue tout le monde recule. Ma journée est décidément terminée. Déjà j’entends les sirènes des pompiers. Je ne peux quitter des yeux l’objet qui a atterrit à proximité de mon bus après la dernière explosion. Les flammes font rapidement disparaitre l’étiquette au nom de la SVG tandis que sous la chaleur, le bidon commence à se tordre en une masse indéfinissable.

Re: Les HistoAARs du conducteur qui ne respectait pas sa dro

Posté : sam. avr. 07, 2012 11:28 pm
par mad
L’explosion qui avait couté la vie à 7 membres des SA a relancé la violence, qui s‘est déchainée à travers la ville dans des proportions inconnues jusque là. Quelques jours plus tard, Stephen Locke, membre influent du parti communiste allemand, est dépassé par un autre véhicule dans les quartiers sud de la capitale. La voiture se rabat, forçant Locke à s’arreter. Une seconde voiture vient alors le percuter, laissant le chef communiste complètement sonné. Des hommes entourent la voiture et mitraillent le pauvre Locke, qui n’aura pas même le temps de quitter son volant.


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Sous la pression populaire, la police criminelle n’a pas eu le choix que de mener l’enquête sur cet assassinat politique. Au bout de quelques semaines, 3 hommes, tous appartenant à la SA, sont appréhendés puis jugés. Aucune circonstance atténuante, la peine de mort est requise. Mais c’est le nouvel homme fort du pays, qui n’occupe encore aucun poste et rejette toutes les propositions subalternes, qui va plaider en faveur des trois assassins en faisant jouer de ses relations, remontant même jusqu’au vieil Hindenburg. Graciés, les 3 hommes se contenteront de faire quelques mois de prison, attendant que leur parti arrive au pouvoir. Herr Hitler, qui avait agit en coulisses, reprenait chaque matin son avion particulier et survolait la ville avec en vue toujours de nouveaux lands où prêcher pour les énièmes élections qui s’annonçaient.


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Alors que les grandes chaleurs marquaient la fin de l’été, la BVG, tout comme le pays, traversait une période tumultueuse. L’économie allemande était au bout du rouleau : inflation galopante, récession intenable, chômage, tout cela s’additionnait et contribuait aux violences politiques dont on avait déjà vu quelques exemples au sein de la compagnie.


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Pour la premiére fois, notre compagnie de transports publics, qui jusque là avait plus ou moins réussie à éviter la casse, s’est mise à plonger. Chaque mois, le déficit s’affichait autour de 400.000 marks, suite à l’abandon des transports par une population réduite au systéme D. Pas une famille qui ne connut un frére ou un fils au chomage, quand ce n’était pas le pére et tous ses enfants. Le bus ? C’était devenu un luxe pour la moitié des Berlinois, qui préféraient marcher plusieurs kilométres afin d’éviter une dépense superflue. Les usines en périphérie fermaient toutes progressivement, et la BVG décida d’abandonner ces quartiers pour ne plus les desservir à perte. Les bus étaient renvoyés sur mon secteur qui restait le seul à dégager encore des profits. Il y a 14 ans, les touristes venaient encore, et se massaient aux abords des gares ou de l’aéroport. Etrange periode, avec ce centre-ville grouillant de vie, et ou toutes les langues pouvaient s’entendre au sein du même véhicule ! Alors que la ruine financiére guettait la compagnie, sur la ligne 1, nous étions toujours débordés, malgré la 15aine de bus qui avaient été rajoutés.


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Il fallait voir ce qu’était alors l’ocelot … 14 places assises, je vous l’ai déjà dit, une plateforme arriére toujours bondée, et une vitesse moyenne à l’image de la fiabilité du moteur : entre le médiocre et le dégueulasse, tout simplement.

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Combien de pannes j’ai connues … La BVG a eu beau réquisitionner le plus possibles de bus pour notre seul secteur, on était toujours dépassés. Quand les moteurs étaient bien entretenus, on avait une chance sur deux de tomber en panne dans la semaine. Et quand ce n’était pas le cas … Parmi les machinos, on comptait beaucoup de communistes, encartés et tout …
La compagnie était gérée par des financiers proches de Von Papen, et qui n’avaient pas hésité à participer à des barbecues avec le petit Adolphe, pensant qu’ils pouvaient facilement le manipuler. Au final ce sont eux qui se sont retrouvés pieds et poings liés au régime nazi, se réveillant un jour avec la carte du parti en poche, dépendant du bon vouloir d’Hitler, versant sans cesse plus d’argent pour qu’en retour les commandes d’Etat évitent la faillite totale. Ces types avaient voulu jouer au plus fin et finalement, ils se retrouveront culs-nus, à danser dans une ronde endiablée pendant que le maitre de cérémonie taperait des mains, toujours plus fort et plus vite, en se moquant d'eux. Les anciens maitres et le nouveau ...

Du coup, certains cheminots voyaient ça d’un très mauvais œil, encore plus après la mort de Similéon. Du sucre dans le réservoir, des pneus crevés, de l’huile de mauvaise qualité pour le moteur, tout était bon pour saborder l’un des multiples outils appartenant à des industriels proche du NSDAP. Moi, je ne me mélais pas de ça, j’avais un boulot, un salaire, et une famille à faire vivre. La politique … je laissais ça à un Samara, ou dans un autre genre, à Boudibouda.

Ah, Gustav ... Je l’ai recroisé peu après, et il m’a regardé comme si de rien n’était. Il savait que je savais, je savais qu’il savait ce que je savais, et on a fait comme si jamais je n'avais vu de bidon d'essence entre ses mains, comme si ce visage qui coulait sous la chaleur en une vulgaire cire chaude n'avait jamais existé. Deux rigolos qui se tiennent par la barbiche mais qui font tout pour ne pas rire, car la sanction, ce n'est pas une tape sur la joue, et chacun rentre chez soi. C'était au choix une exécution couverte par les chants de l'Internationale, un tabassage à mort par des SA, ou la lame de la guillotine dans la cour intérieure de la prison de Spandau. Du coup je conduisais, il poinçonnait les tickets, et on n’en a pas parlé. Enfin pas à ce moment. Il m’a confié bien plus tard qu’il ne se baladait pas sans un couteau sur lui, les premiers temps, et qu’il n’aurait pas hésité à me planter si j’avais fais mine de vouloir le dénoncer. Mais c’était superflu, il m’avait bien jugé : tant que je ramenais mes quelques marks à la maison chaque semaine, j’acceptais tout. Je n'étais pas le seul. Pensez à ce qu’on a accepté par la suite …

Et puis quand les problèmes ne venaient pas de l’entreprise, ils venaient de la ville même. Une capitale bondée, des chomeurs partout qui traversaient au mépris du bon sens, la pire circulation que j’ai jamais connu. On ne pouvait pas parler d’heures de pointe, car pour ça il aurait fallu qu’il y ait des heures creuses. Cette periode a été assez abominable, le centre ville était toujours bondé.


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Ce n’est que plus tard que la compagnie a commencé à développer le réseau de tramway, afin de désengorger la capitale – et indirectement, nous faciliter un le boulot. Mais fin 1932, les dirigeants marchaient encore sur des œufs. Le gouffre financier était devenu abyssal, les pertes se creusaient chaque mois.
Et puis tout en haut, comme beaucoup d'autres, ils ont tout misé sur un seul homme en espérant voir le bout du tunnel. Hitler avait encore gagné les élections, mais le recul des nazis était important par rapport au mois de juillet. Peu leur importait, à tous ces industriels. Ils se sont dit : on va tout miser sur ce tocard, s’en mettre plein les poches, et puis on le jettera quand il sera devenu un canasson usé par le pouvoir. Un seul des gros actionnaires de la BVG, Von Aasen, un prussien de la vieille école, avait fait entendre une voix discordante. Noyée dans la masse …
En janvier 33, ils ont attelé celui qu’ils considéraient comme une vieille carne. Le cheval les a endormis quelques jours pour mieux ruer dans les brancards et, avant qu’ils ne comprennent, ils étaient déjà au bord de la route, désarçonnés, ayant perdu tous les rennes. Hitler est devenu chancelier, et a lâché ses chiens de guerre dans les rues.


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Re: Les HistoAARs du conducteur qui ne respectait pas sa dro

Posté : dim. avr. 08, 2012 12:33 am
par Emp_Palpatine
mad a écrit : Sous la pression populaire, la police criminelle n’a pas eu le choix que de mener l’enquête sur cet assassinat politique. Au bout de quelques semaines, 3 hommes, tous appartenant à la SA, sont appréhendés puis jugés. Aucune circonstance atténuante, la peine de mort est requise. Mais c’est le nouvel homme fort du pays, qui n’occupe encore aucun poste et rejette toutes les propositions subalternes, qui va plaider en faveur des trois assassins en faisant jouer de ses relations, remontant même jusqu’au vieil Hindenburg. Graciés, les 3 hommes se contenteront de faire quelques mois de prison, attendant que leur parti arrive au pouvoir. Herr Hitler, qui avait agit en coulisses, reprenait chaque matin son avion particulier et survolait la ville avec en vue toujours de nouveaux lands où prêcher pour les énièmes élections qui s’annonçaient.
C'est voulu ou pas la référence à une affaire judiciaire tout à fait similaire en 1932? :P

Re: Les HistoAARs du conducteur qui ne respectait pas sa dro

Posté : dim. avr. 08, 2012 7:46 am
par mad
Effectivement ce n'est pas un hasard, l'affaire (réelle) était assez marquante (quoique pour un procès, combien ont eu une totale impunité pour déclencher les violences dans une Republique agonisante...)
:wink:

Re: Les HistoAARs du conducteur qui ne respectait pas sa dro

Posté : dim. avr. 08, 2012 8:15 am
par Locke
J'aurais pas fait long feu, après l'avoir foutu.. :chicos:

Quelle narration en tout cas :clap:

Re: Les HistoAARs du conducteur qui ne respectait pas sa dro

Posté : dim. avr. 08, 2012 8:30 am
par Greyhunter
Samara, c'est bien celui qui s'est engagé dans la SS en hurlant qu'il allait défendre la civilisation occidentale contre les hordes bolcho-asiatiques? J'ai entendu dire qu'il est mort d'une réaction allergique à l'huile qu'ils utilisaient pour que leurs muscles soient bien luisants. :chicos:

Re: Les HistoAARs du conducteur qui ne respectait pas sa dro

Posté : dim. avr. 08, 2012 8:31 am
par Boudi
Je vais suivre, j'ai reçu ma clé aussi. :lolmdr: On devrait pouvoir se faire une méga-multi du coup. :lol:

Re: Les HistoAARs du conducteur qui ne respectait pas sa dro

Posté : mar. avr. 10, 2012 12:07 pm
par buzz l'éclair
Bravo Mad pour ce début ! Vivement la suite ! :clap:

Et si vous faites un multi comme le suggère Boudi, j'espère que vous en ferez profiter également les membres du forum.

Re: Les HistoAARs du conducteur qui ne respectait pas sa dro

Posté : mar. avr. 10, 2012 8:06 pm
par mad
Merci ! par contre c'est vraiment possible ces histoires de multi ? :lolmdr:

Re: Les HistoAARs du conducteur qui ne respectait pas sa dro

Posté : mar. avr. 10, 2012 8:22 pm
par mad
Avec l’arrivée des nazis au pouvoir, le fonctionnement de la BVG s’est lentement modifié, au gré des lois raciales, des promulgations sur le travail et de l’intensification des embarras administratifs qui nous sont tombé sur le dos.
Les SA, qui avaient auparavant du se faire de nombreuses amitiés au sein de la Kripo afin de couvrir leurs crimes, ont pu commencer à agir dans le cadre même de la loi qui désormais les protégeait. Fin mars, les meurtriers de Stephen Locke sortaient de prisons, fêtés en héros tandis que les cellules de Spandau se vidaient d’une partie de ses occupants ayant adhéré au NSDAP pour y héberger de nouveaux occupants, communistes pour la plupart. De la BVG, certains y partirent à différentes occasions, mais on ne les vit pas tous revenir. Que les communistes soient staliniens, trotskystes ou mencheviques, ils avaient droit au même traitement, le pouvoir ne s’embarrassant pas de subtilités envers eux.

Comment Gustav Boudibouda pu passer entre les gouttes, c’est une chose qui m’échappa complétement. On ne l’avait vu qu’à de rares occasions en contact avec d’autres communistes, ou lors des rassemblements organisés par Simileon, ce qui est peut être l’une des explications. Ou alors la Gestapo, qui venait d’être installée dans la Prinz-Albrecht-strasse, n’avait pas encore pu recouper toutes les infos provenant des SA et du SD ? Etais-je donc le seul à connaître les activités de Boudibouda ? Ce que j’entendais semblait parfois fondé … après l’incendie du Reichstag, les communistes ayant apparemment voulu abattre la représentativité allemande, pouvait-on leur faire confiance ?


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Les affiches qui fleurissaient un peu partout sur les murs et sur les arrêts de bus me renvoyaient cette peur atavique du Rouge, mais étrangement quelque chose ne collait pas. Quand je regardais Gustav Boudibouda poinçonner les tickets des usagers du bus, je cherchais parfois dans ses yeux cette lueur malicieuse et sournoise, mais n’y trouvait que fatigue et tristesse. Ce qu’ils me renvoyaient, c’était ma propre peur. Les Nazis n’étaient pas déjà là depuis 3 mois que déjà, ils me fatiguaient. Je me rappelais presque avec nostalgie de l’année précédente, où des prostituées étaient venues nous voir pour qu'on leur facilite l'accés à une clientéle un peu plus riche …


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Chose impossible désormais. L’ordre moral était en route.
De son côté, la direction de la BVG avait en partie valsé. On avait écarté un vieux financier, Samuel Tovi, dont le patronyme fleurait un peu trop la judéité, quand bien même l’homme s’était défendu d’avoir combattu 20 ans auparavant dans les tranchées aux côtés de ses compatriotes allemands. 20 ans, c’était plus qu’une vie en Allemagne, et ses états de service auraient tout aussi bien pu ne pas exister. Ses parts furent reprises à bas prix par un autre financier, son nom fut gommé des registres et l’homme eut la présence d’esprit d’émigrer en Angleterre un an plus tard tant que les frontières étaient encore ouvertes. Celui qui le remplaça s’appelait Helmut Mayor, et il commença dans l’entreprise avec la volonté d’impressionner le pouvoir par sa façon très personnelle de modifier le réseau de transports publics à Berlin.
Dés ses premiers jours, il envoya des équipes entières installer des rails sur la Under den Linden, afin de précipiter la mise en place d’un tramway partant de la Porte de Brandebourg et du Reichstag encore fumant, où se consumaient les derniers souvenirs de la démocratie.


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L’autre terminus de ce tramway ? L’est de l’Alexanderplatz, où siégeaient désormais les services de sécurité de la ville et du Reich, comme la Kripo, la Gestapo et le SD. Je desservais déjà ce quartier avec mon ocelot et j’imaginais mal comment on pourrait combiner trams et bus dans des artéres déjà bouchés par la circulation. Qu’avait donc Herr Mayor en tête ? Sans doute imaginait-il que les trams se presseraient au 8 de la Prinz-Albrecht-strasse afin de se remplir des pauvres diables tabassés par la Gestapo, pour les envoyer jusqu’au camp d’Orianenburg. Une notion toute particulière du service public, mais Herr Mayor se rendit bien compte qu’il n’aurait pas les crédits pour faire aboutir sa ligne jusqu’au camp de concentration. On le voyait parfois jurer dans les bureaux du premier étage, se lamentant sans doute que ses trams ne transportent pas de prisonniers politiques mais des voyageurs payants pleins tarifs.

Toujours est-il que la greffe ne prit pas. Au nord de la Spree, le tramway se heurtait à la circulation monstre dans lesquels les bus avaient déjà du mal à évoluer. A défaut de pouvoir jouer au panzer, le tram était lui-même condamné à patienter péniblement pour faire quelques mètres tandis que de l’autre coté de la Spree, les arrêts étaient noyés par les voyageurs attendant une rame qui ne venait jamais. La circulation, auparavant déjà difficile, devint telle que de mémoire de Berlinois, on n’avait jamais vu ça.


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Devant le désordre provoqué, Herr Mayor dut comparaitre devant Paul Troost, l’urbaniste du Reich, et son second, Albert Speer. Un simple tram ne pouvait pas compromettre toute une politique de grands travaux dans Berlin au moment où l’on programmait des travaux pour la capitale du Reich ! Herr Mayor promit d’arranger la situation dans les 2 mois.

A peine rentré aux bureaux de la BVG, il s’époumona tant qu’il put tandis que Herbert Samara, qui ne paraissait plus au travail sans sa culotte de peau aux couleurs de la SA, répondait à chaque fois avec des « Heils » et autres « zu befehl » tonitruants. De l’esprit dérangé des deux hommes, deux points semblaient expliquer l’inertie des transports : un complot communiste qui sapait les fondements de la civilisation occidentale, et l’absence d’un nombre assez importants de tramways. On en commanda donc d’autres à l’usine, et on les envoya sur la ligne déjà bouchée. En quelques semaines, on parvint seulement à bloquer encore plus le quartier, à diminuer la rentabilité des bus (qui circulaient encore moins bien qu’avant) et à faire fuir le voyageur qui savait désormais que le moyen le plus rapide pour circuler à Berlin était de plonger dans le fleuve pour se laisser pousser par le courant. Comme cette dernière possibilité était elle-même rendue pénible par le nombre de cadavres jetés dans la Spree par les Nazis, les Berlinois commencèrent à éviter tous les transports aux armes de la BVG, et Herr Mayor fut encore appelé par Paul Troost.

De retour au bureau, tandis que Samara se lamentait sur les désordres de la civilisation occidentale, Herr Mayor en vint à une solution définitive : écourter la ligne de tramway, fermer les stations de l’AlexanderPlatz, et cantonner l’activité sur rail à la rive sud de la Spree, le long de l’Under den Linden.


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Espérant ainsi s’attaquer aux bouchons au nord, Herr Mayor fit surtout disparaître l’intérêt du tram, qui ne desservait plus qu’une mince zone d’habitation au sud du fleuve. La ligne était désormais lourdement déficitaire, ne transportant plus que de rares passagers s’étonnant du luxe qu’on leur proposait. Afin d’éviter une nouvelle visite au Ministére, Herr Mayor prit son parti de fermer définitivement cette ligne à la fin du printemps 1933 afin de stopper l’hémorragie. On vendit les trams à la Compagnie des Transports de Munich, et on compta les pertes qu’avait provoquées cette tentative avortée. A l’été 1933, la compagnie était au bord de la ruine, et on en vint à devoir demander un crédit auprès des Banques. Retord, Herr Mayor emprunta à des financiers israélites, persuadés ainsi, par leur apport important à l’économie allemande, d’éviter les foudres du régime. Mais l’Allemagne changeait, un peu plus chaque jour. En juillet, j’assistais à un nouvel incendie, mais les SA n’étaient désormais plus les cibles tant la répression s’installait au détriment des communistes. Ces derniers n'étaient pourtant plus les seuls sur la liste.


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La circulation était bloquée, j’hésitais à descendre. De la plage arrière, me parvint la voix éraillée d’Herbert Samara : « Hé bien, Thrawn, c’est ta première synagogue ? »
Et tandis que son rire se répandait à certains passagers, j’étais traversé par un flot de sensations disparates qui me paralysèrent. Du bâtiment en flammes, un homme sortit, tenant entre ses mains les livres de la Torah. Une partie de ses habits étaient en flammes, mais aucun des pompiers ne semblait vouloir l’aider. Un de mes passagers abandonna la plate-forme pour se jeter à son secours et eteindre les vetements de l’homme, tandis que lui ne se souciait que de ses textes sacrés. Du bus, lui parvinrent quelques insultes et des sifflets rageurs. Moi ce que j’entendais, ce n’était qu’un silence oppressant qui me tétanisait, une pulsation obsédante qui me vrillait le crâne et me poussait à me faire tout petit à mon volant, pour disparaître de honte.

Re: Les HistoAARs du conducteur qui ne respectait pas sa dro

Posté : mer. avr. 11, 2012 10:56 pm
par DrFlump
Super bien écrit. Je suis sur le cul. L'histoire est très bonne, me donnant limite le cafard parfois...

Re: Les HistoAARs du conducteur qui ne respectait pas sa dro

Posté : jeu. avr. 12, 2012 10:14 am
par GA_Thrawn
Oui c'est vraiment très bien écrit! :ok:

Bravo d'arriver à sublimer un jeu qui est quand même relativement chiant en plus. :lol:

Re: Les HistoAARs du conducteur qui ne respectait pas sa dro

Posté : jeu. avr. 12, 2012 11:17 am
par mad
Bon en même temps le but n'est pas non plus d'attraper le cafard quand même :lolmdr:
Et ce qu'il y a de bien avec les jeux de gestions (même quand ils sont pourris) c'est qu'on peut s'en servir pour raconter à peu prés n'importe quoi :mrgreen:
Comme je pars en week end (comment ça, on est que jeudi ? ) je continuerais les aventures de Gerhardt Arthur Thrawn dés lundi prochain
:signal:

Re: Les HistoAARs du conducteur qui ne respectait pas sa dro

Posté : jeu. avr. 12, 2012 12:10 pm
par Riri
Vraiment formidable Mad ! :clap:
Bon en même temps le but n'est pas non plus d'attraper le cafard quand même :lolmdr:
C'est rapé dans ce cas là, parce que ça m'est arrivé aussi d'être perturbé par le récit. :lolmdr:

Re: Les HistoAARs du conducteur qui ne respectait pas sa dro

Posté : ven. juin 01, 2012 9:56 pm
par Manix
Je dois dire que c'est vraiment très bien raconter :clap:

Re: Les HistoAARs du conducteur qui ne respectait pas sa dro

Posté : sam. juin 02, 2012 12:56 pm
par mad
Merci :wink:
Je reprends cet AAR lundi, si ça se trouve je rajouterais même des gros panzers bien huilés :o:
Ou pas :chicos:

Re: Les HistoAARs du conducteur qui ne respectait pas sa dro

Posté : sam. juin 02, 2012 1:35 pm
par GA_Thrawn
mad a écrit :Merci :wink:
Je reprends cet AAR lundi, si ça se trouve je rajouterais même des gros panzers bien huilés :o:
Ou pas :chicos:

En voilà un qui a tout compris. :notice: :ok: :lol:

Re: Les HistoAARs du conducteur qui ne respectait pas sa dro

Posté : sam. juin 02, 2012 8:22 pm
par Coelio
Mad a bien appris le métier à Endemol pour donner au peuple ce qu'il veut :chicos:

Re: Les HistoAARs du conducteur qui ne respectait pas sa dro

Posté : dim. juin 03, 2012 11:30 pm
par Manix
panzer panzer !!!! :clap: ( tu sauras encore faire passer ton bus dans la circulation panzerienne ??? :siffle:

Re: Les HistoAARs du conducteur qui ne respectait pas sa dro

Posté : lun. juin 04, 2012 11:20 am
par DrFlump
mad a écrit :Bon en même temps le but n'est pas non plus d'attraper le cafard quand même :lolmdr:
En fait ça me fait tellement penser à Stefan Zweig que ça me fout le cafard!