L'affaire du pain maudit.
Posté : lun. févr. 15, 2010 10:46 am
Pont Saint-Esprit, un joli village au bord du fleuve Dieu le Rhône , dans le Sud de la France,
est célèbre non seulement pour son pont historique mais aussi, malheureusement, pour ce qui
arriva à ses habitants à partir du mois d’août de l’an 1951 et qui a été nommé par la suite
“l’Affaire du Pain Maudit”. C’est dans ce petit village que, vers la moitié du mois d’août de l’an
1951, les médecins Vieu et Gabbai remarquèrent que certaines familles présentaient un syndrome
particulier, caractérisé par des sensations de froid, de la nausée, des vomissements et de la
lipothymie. A ces symptômes-là s’en ajoutaient d’autres, plus graves et, notamment, des
convulsions, des hallucinations visuelles, des illusions sensorielles, de l’euphorie, des crises
dépressives et des tendances suicidaires.
Les comptes rendus décrivent Pont Saint-Esprit comme une espèce de cercle dantesque où
des personnes qui hurlent se déambulent, terrorisées, dans les rues envahies par le hululement des
sirènes des ambulances. Ce cauchemar parvint à son point culminant pendant la nuit du 24 août
qui, par la suite, sera décrite par le docteur Gabbai comme « ma nuit d’apocalypse » (Giraud,
1973). Voilà comment Fuller la décrit : « Toute cette nuit-là, des voitures, des charrettes, toutes
sortes de moyens de transport amenèrent à l’hôpital des malades gémissant ou hurlant, en proie à
des phantasmes de violence ou de peur… ». Et aussi le matin suivant, dans les premières heures
de la journée : « Les malades se croient entourés de flammes ; c’est ce qui les poussait vers les
fenêtres… ils étaient éblouis de visions violemment colorées… » (Fuller, 1968).
Les effets psychiques s’évanouirent après quelques mois et, vers la fin d’octobre, la situation
retourna à la normalité (Giraud, 1973). Le bilan final fut de presque une dizaine de morts et des
centaines de malades, qui habitaient tous à Pont Saint-Esprit ou dans les environs, dont une
soixantaine fut emmenée dans les hôpitaux psychiatriques de Montpellier, Nîmes, Avignon,
Orange et Lyon.
On a supposé qu’il s’agissait d’un empoisonnement alimentaire dû, notamment, au pain
infecté par de l’ergot. Cette hypothèse est confirmée par le fait que ceux qui sont tombés malades
avaient tous ingéré du pain vendu par la même boulangerie, dont la farine contenait de l’ergot
(Gabbai et al., 1951), ce qui a été prouvé par une analyse pharmacologique effectuée à Marseille.
Chez les plantes, l’infection due à l’ergot a été décrite depuis les temps les plus reculés
(Fayardo et al., 1995). Elle concerne les céréales, notamment le froment, l’orge et l’avoine, mais –
plus fréquemment – le seigle. Le processus de l’infection concerne seulement les parties fleuries
et les caryopses en voie de développement et il est provoqué par de nombreuses espèces et
variétés de champignons parasites qui appartiennent au genre des Claviceps. L’espèce Claviceps
purpurea (Classe : Ascomycetes, famille Clavicipetaceae), est la plus répandue et la plus nuisible.
L’ergot provoque une maladie de l’homme et des animaux qui s’appelle l’« ergotisme ».
Chez les êtres humains, on a observé trois formes principales d’ergotisme : gangréneuse,
convulsive et hallucinogène. La première forme est caractérisée par de grandes plaies, des
boursouflures enflées qui rongent les extrémités jusqu’à en provoquer le détachement du corps
avant le décès (Van Dongen, de Groot, 1995). Les sujets atteints de la deuxième forme
d’ergotisme présentent généralement des vomissements, de la diarrhée et des sensations de
brûlure aux extrémités. Ce phénomène est parfois appelé « Feu de Saint Antoine ». Cette
deuxième forme d’ergotisme peut présenter aussi des convulsions, des mouvements de danse et
des spasmes. Cette symptomatologie est parfois dénommée « Bal de Saint Vito ». La troisième
forme, hallucinogène, est caractérisée par les mêmes symptômes que les deux autres mais aussi
par de fortes hallucinations, du nervosisme, de l’excitation physique et psychique, de l’insomnie
et de la désorientation.
Dans le passé, il y a eu - bien que rarement - des épidémies d’ergotisme chez les peuples qui
se nourrissaient de seigle. Cependant, les épidémies les plus graves se concentrent entre la fin du
10ème et du 19ème siècle. Même récemment, c’est-à-dire dans la première moitié du 20ème siècle, en
Russie et en Angleterre, on a enregistré des épidémies d’ergotisme.
Outre l’hypothèse de l’empoisonnement dû à l’ergot, on a avancé d’autres hypothèses à
propos des évènements de Pont Saint-Esprit. Selon une de ces dernières, l’empoisonnement aurait
été provoqué par la présence de méthyle mercure, un agent fongicide bien connu (Bouchet, 1980),
alors qu’il y a trente ans Moreau (Moreau , 1982) a considéré une moisissure qui infecte les
denrées céréalières, lAspergillus fumigatus, la vraie responsable de ce syndrome.
Cependant, aucune de ces trois hypothèses est vraiment convaincante et « l’Affaire du pain
maudit » reste un mystère irrésolu.
http://www.didac.ehu.es/antropo/11/11-6/Gorini.pdf
http://fr.wikipedia.org/wiki/Pont-Saint-Esprit
est célèbre non seulement pour son pont historique mais aussi, malheureusement, pour ce qui
arriva à ses habitants à partir du mois d’août de l’an 1951 et qui a été nommé par la suite
“l’Affaire du Pain Maudit”. C’est dans ce petit village que, vers la moitié du mois d’août de l’an
1951, les médecins Vieu et Gabbai remarquèrent que certaines familles présentaient un syndrome
particulier, caractérisé par des sensations de froid, de la nausée, des vomissements et de la
lipothymie. A ces symptômes-là s’en ajoutaient d’autres, plus graves et, notamment, des
convulsions, des hallucinations visuelles, des illusions sensorielles, de l’euphorie, des crises
dépressives et des tendances suicidaires.
Les comptes rendus décrivent Pont Saint-Esprit comme une espèce de cercle dantesque où
des personnes qui hurlent se déambulent, terrorisées, dans les rues envahies par le hululement des
sirènes des ambulances. Ce cauchemar parvint à son point culminant pendant la nuit du 24 août
qui, par la suite, sera décrite par le docteur Gabbai comme « ma nuit d’apocalypse » (Giraud,
1973). Voilà comment Fuller la décrit : « Toute cette nuit-là, des voitures, des charrettes, toutes
sortes de moyens de transport amenèrent à l’hôpital des malades gémissant ou hurlant, en proie à
des phantasmes de violence ou de peur… ». Et aussi le matin suivant, dans les premières heures
de la journée : « Les malades se croient entourés de flammes ; c’est ce qui les poussait vers les
fenêtres… ils étaient éblouis de visions violemment colorées… » (Fuller, 1968).
Les effets psychiques s’évanouirent après quelques mois et, vers la fin d’octobre, la situation
retourna à la normalité (Giraud, 1973). Le bilan final fut de presque une dizaine de morts et des
centaines de malades, qui habitaient tous à Pont Saint-Esprit ou dans les environs, dont une
soixantaine fut emmenée dans les hôpitaux psychiatriques de Montpellier, Nîmes, Avignon,
Orange et Lyon.
On a supposé qu’il s’agissait d’un empoisonnement alimentaire dû, notamment, au pain
infecté par de l’ergot. Cette hypothèse est confirmée par le fait que ceux qui sont tombés malades
avaient tous ingéré du pain vendu par la même boulangerie, dont la farine contenait de l’ergot
(Gabbai et al., 1951), ce qui a été prouvé par une analyse pharmacologique effectuée à Marseille.
Chez les plantes, l’infection due à l’ergot a été décrite depuis les temps les plus reculés
(Fayardo et al., 1995). Elle concerne les céréales, notamment le froment, l’orge et l’avoine, mais –
plus fréquemment – le seigle. Le processus de l’infection concerne seulement les parties fleuries
et les caryopses en voie de développement et il est provoqué par de nombreuses espèces et
variétés de champignons parasites qui appartiennent au genre des Claviceps. L’espèce Claviceps
purpurea (Classe : Ascomycetes, famille Clavicipetaceae), est la plus répandue et la plus nuisible.
L’ergot provoque une maladie de l’homme et des animaux qui s’appelle l’« ergotisme ».
Chez les êtres humains, on a observé trois formes principales d’ergotisme : gangréneuse,
convulsive et hallucinogène. La première forme est caractérisée par de grandes plaies, des
boursouflures enflées qui rongent les extrémités jusqu’à en provoquer le détachement du corps
avant le décès (Van Dongen, de Groot, 1995). Les sujets atteints de la deuxième forme
d’ergotisme présentent généralement des vomissements, de la diarrhée et des sensations de
brûlure aux extrémités. Ce phénomène est parfois appelé « Feu de Saint Antoine ». Cette
deuxième forme d’ergotisme peut présenter aussi des convulsions, des mouvements de danse et
des spasmes. Cette symptomatologie est parfois dénommée « Bal de Saint Vito ». La troisième
forme, hallucinogène, est caractérisée par les mêmes symptômes que les deux autres mais aussi
par de fortes hallucinations, du nervosisme, de l’excitation physique et psychique, de l’insomnie
et de la désorientation.
Dans le passé, il y a eu - bien que rarement - des épidémies d’ergotisme chez les peuples qui
se nourrissaient de seigle. Cependant, les épidémies les plus graves se concentrent entre la fin du
10ème et du 19ème siècle. Même récemment, c’est-à-dire dans la première moitié du 20ème siècle, en
Russie et en Angleterre, on a enregistré des épidémies d’ergotisme.
Outre l’hypothèse de l’empoisonnement dû à l’ergot, on a avancé d’autres hypothèses à
propos des évènements de Pont Saint-Esprit. Selon une de ces dernières, l’empoisonnement aurait
été provoqué par la présence de méthyle mercure, un agent fongicide bien connu (Bouchet, 1980),
alors qu’il y a trente ans Moreau (Moreau , 1982) a considéré une moisissure qui infecte les
denrées céréalières, lAspergillus fumigatus, la vraie responsable de ce syndrome.
Cependant, aucune de ces trois hypothèses est vraiment convaincante et « l’Affaire du pain
maudit » reste un mystère irrésolu.
http://www.didac.ehu.es/antropo/11/11-6/Gorini.pdf
http://fr.wikipedia.org/wiki/Pont-Saint-Esprit