Bébert a écrit :L'Espagne et la Russie sont les conséquences de la stratégie globale de Napoléon qui consistait par le blocus continental à empêcher l'Angleterre de commercer avec le continent pour la ruiner et l'obliger à lui fiche la paix. S'il voulait maintenir le blocus, il devait soit s'assurer que ces deux pays interdirait l'arrivée de marchandises sur son territoire, soit les envahir s'ils n'étaient pas d'accord. Ne pas envahir ces deux pays aurait peut-être retardé l'échéance inévitable, mais ne l'aurait pas empêché. Personne en Europe ne voulait d'une France hégémonique, ce qu'avait par exemple compris Louis XVI, mais pas les hommes de la révolution, dès avant la campagne de russie, les puissances européennes avaient déjà montrées qu'elle n'en voulait pas et n'attendait qu'une bonne occasion pour nous renvoyer dans nos frontières.
Voilà en fait le problème de Bonaparte en 1799 : il hérite tout à la fois d'un pays désorganisé et divisé mais aussi en position de force en Europe et en guerre depuis 7 ans, un pays dont la frontière est alors le Rhin.
Napoléon a souvent dit que sa difficulté était de faire une paix qui ne lui fasse pas perdre l'héritage territorial de la Révolution, que tout le reste de l'Europe voulait lui prendre, à commencer par les Anglais. Certes, l'argument a été souvent facilement brandi mais il a un fond de vrai.
Napoléon n'est pas responsable de toutes guerres car il a signé la paix avec l'Europe entre 1801 et 1802 et c'est le Royaume-Uni qui a pris l'initiative de la rupture en 1802 en ne voulant pas respecter sa part de ses engagements. Un peu perfide l'Albion...
Bébert a écrit :Il reste la part d'épopée et de gloire qui accompagne cette période. Napoléon fut, quoiqu'on en dise, un chef de guerre exceptionnel pour son époque, et également un administrateur pointilleux et talentueux. Pendant 15 ans, il a gagné plus de batailles qu'il n'en a perdu et il a forgé une armée moderne et efficace, ne serait-ce qu'en mettant en place des divisions autonomes, puis en les rassemblant en corps, également autonome, en créant divers services (comme celui du train des équipages). de ce point de vue, il est plus à comparer à Frédéric II qu'à quelqu'un d'autre, si tant est qu'on puisse le comparer à un chef d'Etat de son époque. Il pêche plutôt par une absence de sens diplomatique qui l'aura empêché d'avoir une paix durable avec ses voisins. Ne pas mettre systématiquement un de ses proches sur les trônes des pays battus aurait été de bonne politique, tout de même...mais ça c'est son côté "parvenu" corse. Il illumine plus l'histoire de France que le gros Louis XVIII ou le pâle (mais attachant, à mon sens) Louis XVI.
Tout à fait d'accord, et j'insiste beaucoup sur l'apport législatif et administratif. Certes, Napoléon (ou plus exactement Bonaparte pour les amoureux du Consulat) n'a pas sorti ces apports de son chapeau et certaines réformes clés étaient en cours de préparation sous le Directoire, mais il a su les faire émerger et fédérer les énergies pour faire naître les préfets, le Franc germinal, la Banque de France, l'Université, les différents codes, etc. Je le répète, on ne compte pas sur les doigts d'une main les dirigeants français qui en ont fait autant ou plus, et quasiment pas de roi.
Pour finir, l'Empire aurait-il pu durer sans la campagne de Russie ? Peut-être si on considère que Napoléon à partir de 1807 a voulu banaliser son régime par rapport aux autres monarchies européennes et devenir un souverain parmi d'autre. Le problème est que ces rois ne voulaient pas de lui ni de son système et qu'il a commis l'erreur de vouloir imposer le blocus continental en Europe. En fait, je pense que l'Empire s'est perdu très tôt, avec Trafalgar, tout simplement, car cette défaite a restreint drastiquement les choix stratégiques de Napoléon face à l'ennemi anglais qui ne voulait pas faire la paix avec la France, sauf si elle acceptait de revenir aux frontières bourbonniennes, ce que Napoléon ne pouvait consentir. Et cela, les Anglais le savaient parfaitement...