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Irène l'Athénienne et l'impossible rénovation

Posté : mer. nov. 09, 2011 11:34 pm
par Locke
J'ai entamé il y a un petit bout de temps la lecture de l'excellente Histoire de Byzance de John Julius Norwich. M'attelant au règne du Bulgaroctone, j'ai cependant été vivement intéressé par la figure d'Irène l'Athénienne, meurtrière de son propre fils, honni des iconoclastes et pourtant femme fort belle et réfléchie, laquelle voyait le mariage proposé par Charlemagne comme une opportunité unique de sauver sa tête et dans une "moindre" mesure à réunir l'Orient et l'Occident sous une même couronne.

Une uchronie qui n'aurait certainement pas duré vu les luttes internes des deux empires, cependant elle aurait été hautement symbolique.

Quelque part j'y vois la première grande cassure entre l'Occident et l'Orient, au delà des pingolades sur l'inconoclasme déjà centenaires à ce moment-ci: l'émergence d'un deuxième empire, le fracas politique qu'il suscite et le mépris qu'il en résulte.

La naissance d'un Imperium Romanum et d'un Basileia Rhomanion :o:

Re: Irène l'Athénienne et l'impossible rénovation

Posté : jeu. nov. 10, 2011 9:24 am
par gladiatt
sur le même theme, (peut etre à placer en forum littérature), mais en probablement beaucoup plus fendard, il y a
" La couronne d'Irene" de Francois Cavanna. Hilarant. La vision des personnages que sont Charlemagne ou Irene par Cavanna vaut son pesant de caramel mous :mrgreen:

Re: Irène l'Athénienne et l'impossible rénovation

Posté : jeu. nov. 10, 2011 10:20 am
par Emp_Palpatine
Locke a écrit :J'ai entamé il y a un petit bout de temps la lecture de l'excellente Histoire de Byzance de John Julius Norwich. M'attelant au règne du Bulgaroctone, j'ai cependant été vivement intéressé par la figure d'Irène l'Athénienne, meurtrière de son propre fils, honni des iconoclastes et pourtant femme fort belle et réfléchie, laquelle voyait le mariage proposé par Charlemagne comme une opportunité unique de sauver sa tête et dans une "moindre" mesure à réunir l'Orient et l'Occident sous une même couronne.

Une uchronie qui n'aurait certainement pas duré vu les luttes internes des deux empires, cependant elle aurait été hautement symbolique.

Quelque part j'y vois la première grande cassure entre l'Occident et l'Orient, au delà des pingolades sur l'inconoclasme déjà centenaires à ce moment-ci: l'émergence d'un deuxième empire, le fracas politique qu'il suscite et le mépris qu'il en résulte.

La naissance d'un Imperium Romanum et d'un Basileia Rhomanion :o:
L'uchronie est intéressante, mais si Charlemagne a pu restaurer le titre Impérial, c'est bien qu'en Occident, il était considéré comme absent.
Si le paravent de l'autorité impériale a pu être maintenu (voire restauré sous Justinien) après 476 et pendant une partie du VIè siècle, les choses glissent plus ou moins perceptiblement vers la dissolution. Le successeur - ou le 2ème successeur - de Clovis cesse de battre monnaie au nom de l'Empereur, même chose en Hispanie visigothique, etc... A mes yeux, en dehors de l'aspect symbolique, 476 n'est pas une rupture si brutale que ça pour les contemporains, et tout ça c'est passé "en douceur". Mais au fur et à mesure, les liens sont distendus et l'Empire d'Orient n'est plus perçu comme l'Empire, avec toute sa supériorité et sa légitimité, -fut-il lointain- mais comme un autre État oriental.
Je crois que bien avant Irène, c'est dans cette rupture douce qu'on peut trouver une cassure. Si ce n'est LA cassure.
Sans oublier les changements de l'époque d'Heraclius.

Re: Irène l'Athénienne et l'impossible rénovation

Posté : ven. nov. 11, 2011 9:30 am
par Coelio
De manière générale, Palpat a raison.

476 est typiquement un non-évenement pour les contemporains même si la date est forcément symbolique. Pour moi, la déposition de Romulus Augustule par Odoacre ressemble à celle de Childéric III par Pépin en 751 : une régularisation d'un état de fait déja établi depuis des années.

Quant à la dimension "romaine" des Mérovingiens (le titre de patrice tout ca), sous Childéric Ier, c'est certain, sous Clovis ca commence à s'atténuer, et ensuite tout le monde s'en tape : le "souverain référent" n'est plus du tout le Byzantin, mais le Pape : c'est bien à Zacharie que Pépin demande le trône de Childéric III, pas à Constantin V. Il y a des rapports diplomatiques entre eux, mais pas plus qu'avec un autre état puissant.

Bref, même si ce mariage, qui fait rêver les imaginations des historiens, avait eu lieu, je ne crois pas ne serait-ce que l'once d'une seconde qu'il aurait eu des résultats pérennes : la taille de l'Empire de Charlemagne était déja une anomalie pour l'époque, intenable sur la durée. Même lui n'aurait pu tenir et cet Empire, et Byzance. Et même si par extraordinaire il y était plus ou moins parvenu de son vivant, il est totalement exclu qu'un prince Franc aurait pu avoir, à son décès, la moindre légitimité sur Byzance....

Re: Irène l'Athénienne et l'impossible rénovation

Posté : ven. nov. 11, 2011 11:35 am
par GA_Thrawn
Coelio a écrit :De manière générale, Palpat a raison.

476 est typiquement un non-évenement pour les contemporains même si la date est forcément symbolique. Pour moi, la déposition de Romulus Augustule par Odoacre ressemble à celle de Childéric III par Pépin en 751 : une régularisation d'un état de fait déja établi depuis des années.

Tiens pour rebondir là dessus, quel est le dernier empereur perçu à l'époque comme ayant une légitimité, une autorité, quelqu'un qui représente vraiment l'empire, avant les nullités qui se succèdent les dernières années?

Re: Irène l'Athénienne et l'impossible rénovation

Posté : ven. nov. 11, 2011 5:28 pm
par Coelio
Ce genre de jeu est forcément un peu incertain (vu le peu de sources fiables sur les derniers empereurs) et subjectif. Ce qui est sûr, c'est que le dernier reconnu officiellement par Byzance est Julius Nepos, le prédecesseur d'Augustule.

Niveau légitimité réelle, le dernier est sûrement Olybrius, qui se rattache aux Valentiniens via son épouse. Mais il meurt rapidement.

Son prédecesseur, Anthemius, le gendre de Marcien, l'empereur d'Orient, apparait comme le dernier empereur compétent et qui a une vraie politique indépendante des roitelets barbares qui gouvernent dans les faits les autres empereurs de l'époque.

Re: Irène l'Athénienne et l'impossible rénovation

Posté : ven. nov. 11, 2011 6:03 pm
par GA_Thrawn
D'accord merci, moi j'aurais dis Majorien qui a tenté de reprendre pied en gaule et en espagne mais qui s'est fait mystérieusement buter par Ricimer. :sad:

Re: Irène l'Athénienne et l'impossible rénovation

Posté : ven. nov. 18, 2011 10:05 am
par Maximus
Coelio a écrit :De manière générale, Palpat a raison.
Comment ca de manière générale?

Tu sous entendrais qu'il puisse avoir tord? :chair:

Re: Irène l'Athénienne et l'impossible rénovation

Posté : sam. nov. 19, 2011 2:16 pm
par necroproject
Petite précision à l'attention de l'auteur de ce sujet : sois bien conscient que la valeur historique de l'ouvrage de Norwich est très médiocre. Ses qualités littéraires sont en revanche indiscutables. Il n'est pas trop favorable à Irène et d'une manière générale (à quelques exceptions donc), à tout empereur qui ne fut pas un véritable soldat.

De mon point de vue, la rupture la plus déterminante est la chute de Ravenne sous Constantin V ainsi que la crise iconoclaste qui lui est contemporaine. Sans ce retrait byzantin d'Italie, qui laisse à poils la papauté, pas de restoration en Occident. C'est la causa proxima, si je puis m'exprimer en juriste :)

Re: Irène l'Athénienne et l'impossible rénovation

Posté : sam. nov. 19, 2011 6:08 pm
par Locke
necroproject a écrit :Petite précision à l'attention de l'auteur de ce sujet : sois bien conscient que la valeur historique de l'ouvrage de Norwich est très médiocre. Ses qualités littéraires sont en revanche indiscutables. Il n'est pas trop favorable à Irène et d'une manière générale (à quelques exceptions donc), à tout empereur qui ne fut pas un véritable soldat.

De mon point de vue, la rupture la plus déterminante est la chute de Ravenne sous Constantin V ainsi que la crise iconoclaste qui lui est contemporaine. Sans ce retrait byzantin d'Italie, qui laisse à poils la papauté, pas de restoration en Occident. C'est la causa proxima, si je puis m'exprimer en juriste :)
Oui, j'ai remarqué le ton très anglo-saxon de l'ouvrage :chicos: mais d'un autre côté, le soldat n'était-il pas une facette importante dans un empire en perpétuelle lutte pour sa survie ?

Quant à l'iconoclasme, nous sommes d'accord, l'abandon de l'exarchat fut un cruel aveu de faiblesse qui laissa libre cours à une papauté vindicative, d'ailleurs c'est à ce moment ci que la Donatio Constantini apparaît miraculeusement, il me semble ?

Re: Irène l'Athénienne et l'impossible rénovation

Posté : sam. nov. 19, 2011 8:27 pm
par necroproject
Un anglo saxon qui néglige le commerce et le fisc ! Le rétablissement de l'orthodoxie et les nombreux traités de commerce signés sous Irène valaient bien les défaites et tributs résultant avant tout d'un rapport de forces catastrophique en Orient.

Il faut vraiment accepter l'idée que l'empire reste très faible jusqu'à la fin du IXème siècle. Ses ressources sont extrêmement limitées et sa population probablement inférieure à 3 millions d'habitants sous Irène, soit moins du tiers de l'empire carolingien et ne parlons même pas du califat ! Au XIème siècle, sous et après Basile II, ce sera différent. En attendant, avec tous ses défauts, Irène et ses conseillers tentent de gérer la barque.

Malheureusement, hors des biographies (dont une sur Irène, assez récente), il n'y a pas vraiment d'ouvrage grand public alternatif à celui de norwich...

Pour la donation de constantin, va voir l'article wiki consacré mais ca doit etre cela...je n'employerais toutefois pas le mot "vindicatif" à propos de la papauté. Celle-ci est très pragmatique et essaie de maintenir l'orthodoxie tout en se cherchant un royaume protecteur. La défection de l'Orient ne laisse d'autre choix qu'appeler les francs à la rescousse. De plus, Il ne faut pas oublier la poussée musulmane qui, très bientôt, va déborder sur l'Italie et se placer même jusqu'aux faubourgs de Rome, après avoir évincé les byzantins de presque toute la Sicile (chute de Syracuse vers 840, de mémoire).

Re: Irène l'Athénienne et l'impossible rénovation

Posté : sam. nov. 19, 2011 9:48 pm
par griffon
GA_Thrawn a écrit :


Tiens pour rebondir là dessus, quel est le dernier empereur perçu à l'époque comme ayant une légitimité, une autorité, quelqu'un qui représente vraiment l'empire, avant les nullités qui se succèdent les dernières années?

perçu par qui ? ( ou et quand )

ca dépend des endroits mais

l'on peut considérer Héraclius comme le dernier empereur Romain traditionnel